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    مُساهمة من طرف المؤسس الأحد 25 سبتمبر 2011, 11:39


    Ayt Khebbach, impasse sud-est: l’evolution d’une tribu marocaine exclue du Sahara
    Par: C. Lefebure
    Dans Marrakech la capitale, en mars 1901, un millier de kilometres à l'ouest du champ des opérations mais moins d'un mois apres l'affrontement, circulait ce bruit formidable: les Chrétiens venaient de subir un désastre militaire à Timimoun (1).



    Amplification certes, encore que l'Echo d'Oran ait de son coté trouvé l'affaire exagérément chaude (2): amplification a la mesure de l'émoi que suscitait dans l'Empire chérifien la pression française aux marches de l'Est. Est-il moins factice d'ignorer, comme cela parait de mise aujourd'hui, jusqu'aux fondements tant structurels qu'événementiels de la rumeur d'alors? Car c'est un fait: les Divisions d'Oran et d' Alger du 19e Corps d'armée n'ont pu conquérir le Touat et le Gourara qu'au prix de durs combats menés contre les semi-nomades d'obédience marocaine qui, depuis plus d'un siecle, imposaient leur protection aux oasiens, les berbérophones Ayt Khebbach.



    Une vingtaine de traités passés et réassurés entre 1809 et 1896 puis le triple paraphe du sang à Metarfa, le 5 septembre 1900 - grave revers pour “le vainqueur d'In Salah”, le capitaine Pein -, à Timimoun, le 18 février suivant, prês de Charouine enfin, les 2 et 3 mars... et le temps devrait avoir colmaté le filtre d'une mémoire sélective! Venant de publicistes ou d'idéologues, le parti pris s'explique. Mais comment accepter le silence ou les cachotteries de sociologues, d'historiens? Ni les “éléments d'étude anthropologique” livrés sur le Gourara par une équipe interdisciplinaire du CRAPE (Mammeri et al., 1973), ni cette ambitieuse Lecture de l'espace oasien pourtant proclamée attentive à l'influence du “pouvoir tribal nomade” comme aux effets de “la rupture coloniale” (Marouf 1980), et pas davantage la derniere these en date sur Timimoun (Boualga 1981) n ' ont un mot - serait-il, avec tant d'autres emprunts, repris de l'indispensable A.G.P. Martin ( 1923) - sur l' emprise des Ayt Khebbach et son ultime manifestation. Un ouvrage dont l'index signale treize développements relatifs à la question du Touat, l'essai

    d' Abdallah Laroui (1977) sur les origines du nationalisme marocain, ne s'intéresse quant a lui qu'aux avatars locaux de la délégation sultanienne: peu de choses, on le sait, à l'heure des résistances populaires. Sous l'angle d'approche d'une étude des frontiêres, la somme minutieuse de Trout (1969) comme le rapide opuscule de Sayagh (1986) n'offrent à glaner que des bribes; la these de droit de Bouguetaia (1981) a évité le sujet. Au total, parmi les travaux modernes, seule la recherche de R. Dwin (1977) sur les réactions rurales a la poussée française en direction de l'oued Zousfana et du Touat évoque les intérêts locaux des Ayt Khebbach et leur prime résistance. Cette étude, cependant, considere comme il se devait d'autres situations, en particulier celle, symétrique, des Dwi Menia aujourd'hui algériens.

    Le détail monographique n'est donc jamais sien. D'autre part, elle n'embrasse qu'une période restreinte : “1881-1912” annonce un sous-titre soucieux de périodisation - en vérité, spécialement, tout juste la décennie charniêre entre ce siecle et le précédent, ce qui laisse de cóté les affrontements ultérieurs et, surtout, la question des transformations sociales en profondeur .

    C'est cette évolution, au total négative, d'abord selon moi parce que les horizons du groupe lui ont été bormés, que je me propose ici d'éclairer (3).





    Avec son centre de gravité dans le sud du Tafilalt, la tribu des Ayt Khebbach constitue le flanc oriental du vaste groupement berbérophone des Ayt Atta. C'est au sein de cet ensemble un élément d'un poids démographique certain: en 1936, année du meilleur recensement directement exploitable en termes d'appartenance tribale (Noin 1970: 31), les Ayt Khebbach, au nombre d'une dizaine de milliers, représentaient le sixiême de l'effectif global (4). Combien sont-ils aujourd'hui? Les dénombrements postérieurs à l'Indépendance n'ayant pas retenu le critêre “ethnique”, nul ne le sait exactement. Mais l'approximation ne sera pas si hasardeuse. La circonscription de Taouz, dont la définition territoriale n'a pas changé et qui n'est peuplée que d' Ayt Khebbach, en comptait pres de 9 000 lors du recensement de 1971 (Population rurale 1973: 16); compte tenu d'un taux d'accroissement annuel de l'ordre de 2%, le cap des 12 000 habitants s'y trouve désormais atteint. Selon moi, cela dépasse d'un millier la moitié des forces.

    Ces données chiffrées associent les imazighen Ayt Khebbach et les populations d'agriculteurs noirs qui, leur ayant été longtemps soumises, restent aujourd'hui avec eux dans des rapports étroits. Dans la circonscription d'Erfoud, dans celle de Rissani, ces populations représentaient le tiers environ des gens recensés sous l'étiquette “Ayt Khebbach”. Les imazighen distinguent parmi ces Noirs des iqblyin "gens-de-là-qibla", la direction de La Mecque, en vérité le sud et les ismhan “esclaves, anciens esclaves”. Les premiers, de loin majoritaires, sont considérés comme autochtones; ils semblent dans les palmeraies tres atomisés mais forment au creur du pays attaoui la tribu des Imelwan. Les seconds, qu'un amazigh dira plus retors et d'une pigmentation plus foncée, originaires du “Pays des Noirs” (6), ont été jadis achetés ou pris dans le Touat et au Soudan. A l'arrivée des Français, la population de Taouz -l'établissement cette fois, pas la circonscription - comptait environ 10% d'esclaves (7).



    A peine l'entame-t-on, l'examen de l'organisation sociale des Ayt Khebbach (Cool renvoie au débat toujours pendant sur la structure des groupes maghrébins. Si cette tribu, une fois de plus, semble exemplifier les principes du schéma segmentaire - au prix, peut-etre plus élevé que de coutume, d'affiliations conectives devant moins à la naissance qu'a des rapports de force - elle montre, aussi, un net clivage en deux ligues aux fonctions incertaines. Quatre segments "de pure extraction" et divers groupes agrégés dessinent cette configuration: d'un coté les irjdaln et leurs clients, d'une part les ayt-tgla détachés d'une autre fraction des Ayt Atta, d'autre part les ayt-burk d'origine maraboutique; de l'autre coté les ilhayan, les izulayn, les ayt-amer et les clients de ces derniers, soit un lignage séparé des ayt burk, un lignage que l'on prétend issu d'une juive, un lignage séparé d'une tribu arabophone ancrée plus à l'ouest, les arib. Numériquement, la balance est en faveur de la premiere ligue; mais la seconde concentre, si l'on peut dire, plus de légitimité, si bien qu'elle n'abandonnait qu'un an sur quatre, en théorie, le léger avantage de fournir le principal de la tribu, successivement désigné dans chacun des segments d'origine. Point d'antagonisme spécialement rapportable à l'existence des ligues. Et rien dans la distribution spatiale de leurs éléments pour rappeler le damier stratégique qui obnubila Montagne (1930). On doit se contenter d'enregistrer ces différences: la ligue conduite par les irjdaln compte davantage de nomades, deux fois plus selon le recensement de 1971. Celle menée par les ayt-amer se montra la moins belliqueuse face à la pénétration coloniale; les familles les plus fortunées s'y retrouvent. La légende du groupe à la-dessus sa rationalisation. Elle assure que l'ancetre éponyme des ayt-amer, fils cadet de Khbac, recut la bénédiction du pere apres l'avoir averti d'un mauvais coup préparé contre lui par ses trois autres fils. “Depuis ce temps, les ayt-amer sont favorisés du ciel et remplis de biens; les ilhayan et les izulayn, maudits par l'ancetre, sont les pauvres de la tribu; les irjdaln en sont les guerriers... “



    Une précision s'impose à propos des lignages que j'ai dit clients: il ne s'agit pas de groupes dépendants, assujettis à des taches particulieres ou versant régulierement tribut, mais de groupes ayant sacrifié à l'un ou l'autre des deux principaux segments des Ayt Khebbach pour se rattacher à l'ensemble. Sauf en ce qui concerne la désignation annuelle du primus inter pares, qu'ils ne pouvaient ni fournir ni choisir, et probablement à quelques autres nuances pres, les clients partagent la vie des descendants de l' ancetre fondateur. Au demeurant, ces derniers ne vont pas tous sur le même pied: si la généalogie donne aux izulayn une capacité politique que les clients n'ont pas, la faïblesse de ce pauvre lignage l'astreint à n'exercer ses droits qu'au profit des ayt-amer et à suivre leur sort (9). En vérité, connus le remodelage constant des tribus marocaines et leur faculté d'intégrer l'anogene, les clients apparaissent comme des groupes en voie de naturalisation. Quelques Tadjakant, apres leur dispersion sous les coups des Rgibat à l'orée de ce siecle, des Dwi Menia, d'autres encore se sont de la sorte antérieurement fondus au sein des Ayt Khebbach.



    Reste à évoquer, toujours brievement, la mouvance de notre tribu. Comme d'autres nomades et semi-nomades, les Ayt Khebbach avaient institutionnalisé avec leurs voisins des rapports de deux types, les uns plus ou moins fratemels, c'est-à-dire symétriques et n'impliquant pas de redevance, les autres plus ou moins inégalitaires puiqu'ils commandaient des versements en nature ou en especes.



    Le pacte de protection d'une communauté oasienne ressortit du second type.

    Dénommé taysa (< takSa) (10) dans le Sud-Est, il était soit sollicité par les sédentaires à l'occasion de leurs querelles intestines, soit imposé par une fraction ou une tribu nomade... au détriment des autres. Dans tous les cas, c'était pour les forts une source importante de produits agricoles, de revenus monétaires, parfois de biens-fonds. C'est ainsi, par exemple, que les Ayt Khebbach ont pu s'installer pres de Bou Denib.



    Le pacte de tada, appariement entre lignages ou familles de tribus différentes, fut surtout pratiqué avec les Dwi Menia. Jouxtant les Ayt Khebbach à l'est, ces semi-nomades arabophones avaient sensiblement les mêmes intérêts qu'eux sans pour autant compter parmi leurs ennemis ou leurs alliés déclarés. Sauf au Tafilalt ou, simultanément protecteurs et propriétaires, Ayt Khebbach et Dwi Menia faisaient partie d'une même faction constamment mobilisée dans les dernieres années du XIXe siecle (11)l. Partout ailleurs, sur fond d'incenitude, il s'agissait de préserver la possibilité des déplacements pastoraux et commerciaux, et, en cas d'accrocs limités, de favoriser les réparations amiables. Précisément, la tada établit entre ceux qu'elle lie, devraient-ils s'opposer à leurs contribules, une impérative obligation d'assitance et la prohibition de toute velléité de nuire. L 'état de guerre, cependant, annulait ces obligations (12). Les Ayt Khebbach ont souvenir d'avoir eu... trois morts contre les Dwi Menia: vers 1891, au Mayder majeur, bassin d'épandage de crues qui les vit plus souvent cultiver de concert. En 1895, mandés par le Sultan, de tels belligérants pouvaient bien chatier ensemble des fauteurs de troubles dans la région de Beni Abbes (Gautier 1908 : 205; Martin 1923: 277). Quelques années plus tard, ils allaient s'épauler contre la pénétration coloniale.



    Mais aussi bonnes qu'aient pu etre les relations entre Ayt Khebbach et Dwi Menia, un autre accord les aura surpassées: celui qui de nos jours perdure entre la tribu de Taouz et les arabes Beni Mhammed. On peut voir la l'effet d'un pacte d'une essence supérieure, la tafrgant, à condition de ne pas négliger qu'une fructueuse association commerciale l'a longtemps redoublé. La tafrgant d'abord: la scellerait, chez les Ayt Atta, le rituel de colactation ailleurs attaché à la tada (13). Cela pour dire qu'il s'agit d'un pacte d'une exceptionnelle solennité, créateur de liens de quasi-parenté entrainant la prohibition de l'inter-mariage. En conséquence, les Beni Mhammed auraient pratiquement fait partie des Ayt Atta. Quoi qu'il en soit, pendant tout le siecle qui à précédé l'établissement de la domination française, l'accord des Beni Mhammed et des Ayt Khebbach a eu un fondement économique. Les premiers, sédentarisés pour partie dans le Draa pour partie au Tafilalt, achalandés par Marrakech et Fes en denrées européennes, confiaient aux seconds le convoyage de leur marchandise en direction du Touat et du Gourara. Courant modeste, un ruisselet comparé à ce qu'était alors la descente sur Timimoun des éleveurs des Hautes Plaines oranaises, mais apparemment nécessaire et sans doute fructueux puisqu'au lendemain de l'occupation du Touat les Beni Mhammed y rouvraient audacieusement boutique. ll ne tarit qu'avec les multiples combats de l'été 1903 et l'internement de commercants Beni Mhammed suspectés d'y avoir été mêlés; le négoce ne devait plus jamais reprendre dans les mêmes conditions (14).



    Nos convoyeurs exercaient-ils en chemin quelque coupable industrie - taxation ou pillage des caravanes concurrentes, razzia d'esclaves -, cela ne pouvait nuire à leurs commanditaires; mieux: plus proches de l'information, ces derniers signalaient les coups. On voit ce qu'en ces lieux et ce temps recouvrait l'entente à base économique. Celle-ci déborda plus encore le travail de la marchandise: à partir de 1860 en effet les sources montrent les Beni Mhammed signant au coté des Ayt Khebbach les traités de protection passés avec des communautés du Touat (Martin 1923: 175,218,237,287). L'assaut sur Timimoun fut aussi une entreprise commune. L 'épisode même sur quoi s'est achevée cette maniere de conduire les affaires, cette incarcération de commercants Beni Mhammed bientot suivie de leur élargissement, rassembla, comme il se devait, et les comperes et leur style. Les Ayt Khebbach durent accepter de participer avec les Beni Mhammed aux négocations proposées par Lyautey et ses officiers. Mais une fois les prisonniers libérés, les Berberes expédierent aux Français, rédigé au verso de la convention imposée, un libelle provocateur les déliant de leurs engagements (15).



    ll serait paradoxal, aprês s'etre attardé sur ces polarités, de négliger l'attraction des Ayt Atta. Au sein de cet ensemble considérable, les Ayt Khebbach constituent avec les Ayt Oumnasf le “cinquieme” des Ayt Ounebgui, littéralement “les invités”. Cet ethnonyme laisse penser des intéressés qu'ils sont entrés apres d'autres dans le groupement. De fait, un traité de protection du XVIe siecle montre chez les Ayt Atta, antérieurement à leur organisation en cinq “cinquiemes”, une organisation en

    “tiers” centrée sur le coeur du pays attaoui, à distance de ses marges actuelles (Mezzine 1977: 210). Et les traits les plus contingents du particularisme des Ayt Khebbach ne sont pas sans témoigner, à leur maniere, d'une assimilation incomplete - par exemple la coiffe des femmes mariées, différente du modele uniformément en vigueur dans les autres fractions (16). Cela dit, les Ayt Ounebgui sont des Ayt Atta apart entiere. Leur présence à proximité des paturages réservés du Haut Atlas central et leurs droits sur l'un d'entre eux sont a cet égard significatifs (17).

    Plus pres de leurs bases, les Ayt Khebbach peuplent avec les Ayt Oumnasf plusieurs qsur du Rteb, l'étroit district cultivé s'étirant le long de l'oued Ziz en amont du Tafilalt. Acquis pour prix de la protection imposée par les Ayt Atta vers 1815, ces qsur ont d'abord appartenu à l'ensemble des confédérés. Puis des affrontements internes ont opéré une sélection, un seul autre “cinquieme” restant représenté a coté des Ayt Ounebgui. A la veille de l'installation des Français, les moitiés mêmes du «cinquieme» dominant s'entrebattaient: les notables Ayt Oumnasf choisirent le parti des nouveaux venus et marcherent contre les Ayt Khebbach et leurs compagnons dans la dissidence. C'est parmi ces notables que les officiers des Affaires indigenes recruterent tout le temps du Protectorat leurs associés locaux.



    A l'ouest du Ziz, les Ayt Ounebgui s'éparpillent sous la tente et dans quelques minuscules établissements tout au long de la retombée présaharienne du Djebel Saghro. Au-dela de Ben Dlala, ultime position des Ayt Oumnasf, les Ayt Khebbach avaient, juste avant l'arrivée des Français, supplanté d'autres Ayt Atta dans l'exercice de la protection sur le dernier district cultivé de la vallée du Draa, le Mhammid. En amont, l' ancienne capitale du Ktawa est aussi de leur obédience, les Beni Mhammed peuplent plusieurs villages, mais les protecteurs évincés non loin ont globalement conservé l'avantage.



    Deux points encore, intéressants parce que relatifs aux institulions qui expriment le mieux l'unité des Ayt Atta: d'abord, les Ayt Khebbach sollicitaient en cas de besoin l'avis des dépositaires de la Coutume a Igherm Amazder, une juridiction d'appel reconnue par tous les confédérés; ensuite, ils ont parfois fourni le responsable suprême du groupement. Au total, et sur ce constat s'achevera leur présentalion,

    les Ayt Khebbach font au sein des Ayt Atta bonne figure. On l'entendra de deux manieres: celà veut dire qu 'en dépit de leur localisation marginale les tendances centrifuges ne l'ont pas chez eux emponé; cela rappelle aussi l'envergure notabIe que conferent au sous-groupe son effectif et ses alliances. A ces Ayt Atta, cependant, leurs attaches sahariennes ont valu une personnalité puis un destin tout particuliers.



    Attaches sahariennes:

    non seulement l'ancrage tres méridional des Ayt Khebbach les justifient mais encore, au sud d'une ligne Taouz-Mhammid, la topographie générale et la distribulion des ressources. C'est la région des hamadas, immenses plateaux nus décapés par le vent. Enfoncée en coin entre les grandes hamadas tertiaires du Guir à l'est, du Draa au sud, la table crétacée des Kem-Kem, abrupte au-dessus de la retombée du Saghro, s'abaisse progressivement vers le midi pour s'ennoyer sous le reg, les limons et quelques dunes à mi-chemin de la distance aux épandages de la Daoura. Ce plateau est creusé, selon l'axe méridien, de profondes ravines favorisant la circulation des piétons et des animaux de bat; l' oued Daoura l' à scié en deux. “La disposition du relief oriente ainsi les Ayt Khebbach vers le Sahara”, concluait naguere le géographe Goly 1951 : 133). En direction du bas-pays, des autres Ayt Atta, des marchés du Tafilalt ou du Draa, le rebord hamadien, ébréché de quelques passes périlleuses ne facilite guere les échanges.



    Vers le sud, au contraire, un faisceau de vallées abritant des paturages variés, des puits toujours en eau et même quelques parcelles menent à d'estimables parcours à chameaux; en basse Daoura, de novembre à février, des cultures de décrue sont possibles, vers Cheffaya notamment ou des gens venus de Tabelbala pouvaient voisiner avec les ayt-tghla (18). L'ensemble des Ayt Khebbach a longtemps parcouru toute cette région. En profondeur: jusqu'aux paturages du Mahjez, à vol d'oiseau 160 kilometres au sud de Taouz; les crues ne vont plus loin que par exception et la commence l'erg, propre à rebuter qui ne conduit pas que des charneaux. Dans le temps: jusqu'à ces jours de 1956 qui, voyant l'accession du Maroc à l'indépendance, voyaient aussi la poursuite et l'intensification de la Guerre d'Algérie; le tracé de la frontiere fut alors modifié, la piste de Béchar à Tindouf rénovée et protégée, le Mahjez bientót interdit.



    La hamada du Guir est beaucoup moins accidentée que les Kem-Kem. Elle incline comme eux au midi jusqu'à ce que la relaie le massif ancien d'Ougana. Orientés NO-SE, les chainons de celui-ci s'interposent entre l'erg Er-Rawi et le Grand Erg occidental ou, si l'on préfere entre Tabelbalà et la vallée de la Saoura. Des points d'eau, d'excellents paturages de printemps s'y abritent, et aussi deux modestes établissements berbérophones avec palmeraie : Zeghamra (19) qui aurait été créé par les Ayt Khebbach. Ougarta qui leur obéissait avant l'intrusion coloniale. Les habitants de ces qsur surveillaient les réserves nécessaires aux nomades comme aux guerriers de passage (Coyne 1881: 20,21). Jusque dans les années trente, de durs accrochages ont opposé alentour djicheurs "berabers" et soldats des Compagnies méharistes (Blaudin de Thé 1955: 25,27,47,78,79,91). Mais des 1937, la seule circonscription de Rissani dépêchait sous le controle des Bureaux d' Abadla et de Beni Abbes une quarantaine de tentes. Indiscutablement, les Ayt Khebbach avaient ici des habitudes. La Maison de Guerzim, importante zaouïa de la Saoura, puis sa filiale d'El Maja se les étaient d'ailleurs attachés; assez pour que le jeune rameau choisisse de s'implanter chez eux (20). ll y avait tada entre des habitants de Beni Abbes et un segment des irjdaln. Les Beni Mhammed om peuplé Beni Ikhlef. En vérité, la protection qu'ils exercent plus au sud - comme plus amont, antérieurement aux Dwi Menia ( Calderaro 1904 : 310- 311) - ramenait chaque année, pas toujours dans le calme, la tribu de Taouz et ses alliés privilégiés.



    Aussi bien faut-il évoquer "la rue, l'artere des palmiers", cette succession d'oasis si nombreuses qu'une jument allant le pas, dit un proverbe, pourrait etre saillie dans la premiere pour mettre bas dans la demiere. A l'aval de la Saoura, née d'oueds eux-mêmes cultivés, s'embranchent plein sud le Touat, vers l'est de Gourara. Sur chacun de ces trois axes: 200 kilometres de présence humaine, des rubans de verdure jamais distants de plus de 25 kilometres; au bout de Touat, diverge en sus le Tidikelt. C' est la civilisation des galeries drainantes et de la division statutaire du travail. Élevée sur la voie des caravanes au Pays des Noirs, elle n'a pas négligé, des siecles durant, la ponction esclavagiste. L 'exhaure dévore du labeur, la gestion suscite la chicane: aux negres les outils et... l'accumulation (21) pour les gens du calame! On voit le beau jeu offert aux nomades: vassaliser des groupes dont l'aristocratie, rien moins que guerriere, tablait sur le servage. Les Ayt Khebbach comme les tribus du Sud-Oranais ne s'en sont pas privés. La concurrence de leurs appétits n'offrait qu'une carte aux oasiens: acheter la protection d'un parti contre tous les autres, et d'abord contre lui-même - encore était-il avisé d'en gratifier plusieurs. Le marché n'était pas vain. Les protecteurs avaient intérêt à tenir leurs engagements; le contrat conduisait de fait à un moindre mal. ll arrivait même que l'office s'assortisse de responsabilités dépassant apparemment la capacité des oasiens, soit la surveillance des jardins a l'approche de la récolte et, pour les terroirs ou la dérivation, l'étalement, l'enfouissage des crues hystérisent régulierement le fellah, une maniere de police des prises d'eau. ll faut voir, enfin, que le factionnalisme oasien n'était pas sans ajouter à la pression nomade, si j'ose dire, une sucsion sédentaire. C'est l'antagonisme des Sefian et des Ihamed qui à ouvert le Touat puis le Gourara aux exigences des Ayt Khebbach (22).



    En résumé, les suggestions du cadre physique et l'attraction d'un milieu humain aussi docile qu'appliqué avaient conduit la tribu de Taouz à bénéficier fort loin de ses bases d'importants rapports. Un millier de kilometres séparent le Rteb des abords du Tidikelt. Les facteurs d'une telle réussite, mieux, les mobiles de l'entreprise ou ses conditions de possibilité ont tenu, certes, à l'énergie des Ayt Khebbach mais ont a voir aussi avec le dénuement de leur canton d'origine. Dans l'est du Maroc, on le sait, le domaine présaharien remonte jusqu'en lisiere du Haut Atlas. Un climat aride et continental à bilan hydrique fortement déficitaire, la rareté et la pauvreté des sols cultivables s'y conjuguent pour rendre difficile toute présence humaine, qu'elle s'attache à des ilots de verdure laborieusement entretenus ou pallie a force de mobilité la précarité et la dispersion des ressources. Dans la région des hamadas, les difficultés s'exacerbent. Non seulement le nomadisme l'emporte mais il faut faire flêche de tout bois, dans toutes les directions. Elevage du petit bétail et du dromadaire, agricultures intensive et extensive, activités reposant sur l'usage ou la menace d'user de la force, et même chasse, collecte, transport, extraction miniere: les Ayt Khebbach n'ont rien négligé, modulant face à l'aléa naturel comme aux vicissitudes politiques des équilibres qui tout au long du XIXe siecle leur furent favorables. Leur maitrise semblait parfaite, quand avancerent sur Timimoun les colonnes francses.





    Au contact du front colonial depuis le début du siecle, les Ayt Khebbach ne se sont rendus qu'en 1934, apres bien des combats (23), lors de l'ultime étape de la conquête. Campagne moderniste, mécanisée; les dissidents forcés comme des cerfs jusqu'a l'embouchure du Draa. Trois ans auparavant, les irjdaln et leurs clients avaient fui le pays de Taouz, investi a partir de Bou Denib et de Tabelbala en vue de réduire le Tafilalt. Quatre années encore, une trentaine d'irréductibles allaient garder les armes et persévérer dans l'errance avec la complicité de nombre des leurs. Cependant, l'officier commandant le Poste de Taouz notait fin 1936 que les Ayt Khebbach commencaient "à sortir de leur attitude de mépris et de morgue".

    De leur abattement, faut-il comprendre. Car d'entre toutes les conséquences de la soumission, la moindre n'était pas d'avoir à ressourcer, réorienter le vouloir vivre collectif. Mais faire le deuil des valeurs guerrieres quand on porte le deuil de tant de guerriers! ll y fallait du temps. Pour le moins ces quelques années vécues dans le repli sur soi, la bravade faisant le lit du principe de réalité. Les armes avaient été confisquées, les ralliés de la premiere heure formaient la piétaille du vainqueur, les esclaves passaient métayers, les imazighen et la plebe devaient les mêmes prestations... En sus, l'autorité de controle entendait limiter la bougeotte, favoriser l'agriculture, réglementer la quête pastorale; bref, proposait d'amoindrir le recours à l'espace. Au nom d'une expérience, d'outils de développement, pouvaient s'inquiéter les vaincus, ou de la loi du plus fort? Amere dépendance: les protecteurs au long cours pris dans la nasse du Protectorat.



    En face, à l'échelon pratique du systeme des Affaires indigenes, point n'étaient facile la tache, fermes les directives, fones les compétences. Et dans un contexte injuste, au-dela du "Maroc utile", ici comme ailleurs la bonne volonté s'insularisait. C'est bien un "Robinson galonné" régentant "d'impossibles Vendredis" (24) qui s'évertue dans ces extraits du Bulletin de quinzaine et brouillonne d'entrée, sans le savoir, le sombre avenir de ses administrés:



    13.2 - 28.2 1937: Les transhumants essayent une fois de plus de passer dans le Bureau de Tabelbala tandis que les Dwi MeDia et les Arib de ce Bureau, les ait Bourk de Rissani veulent pénétrer dans le territoire de Taouz. Conformément aux instructions en vigueur depuis juin dernier, le Chef du Bureau s'est opposé à ces mouvements contraires.

    Les nomades vendent des truffes blanches de la hamada 25 pour 50 centimes le kg.

    Sur le plan de l'agriculture, les 35 jardins “makhzen”, pourtant confiés a des gens sélectionnés, ont échoué; le matériel à plus ou moins disparu. Le Bureau se préoccupe d'établir des contrats de métayage en faveur des “Negres soudanais”.

    23.4 - 12.5 1937 : Plusieurs milliers d' Aït Atta sont venus au Grand Mayd'er et dans les deux cuvenes alluvionnaires voisines pour récolter les céréales ensemencées cet hiver, puis faire paturer les chaumes a leurs animaux. La récolte ne valait la peine que sur le mayder ait Khebbach qu'on avait ouvert, heureusement, a tous les ait Ana.

    1.6 - 15.6 1937: Distributions de riz pour enrayer l'exode vers le nord et

    l'Algérie (26). Crue jusqu'au Mahjez, sous-utilisée faute d'équipement hydraulique.

    9.8- 24.8 1937: Au nord du Bureau les paturages ne peuvent plus convenir qu'aux chameaux, au sud ils restent corrects pour le petit bétail.

    Les ait Khebbach qui possedent des palmiers au Tafilalt y sont partis pour la récolte, accompagnés de quiconque à quelques sous à dépenser; vu de Taouz, le Tafilalt semble un paradis. Institution d'un souk du jeudi pour freiner ces déplacements inutiles.

    1.10 - 15.10 1937: Dans une partie du mayder ait Khebbach, début des travaux agricoles soutenus par le Bureau.

    8.11 - 25.111937: Fin des ensemencements du Bureau: 230 quintaux pour 200 ha. Sur le reste du mayder ait Khebbach, ceux-ci ont eu la priorité jusqu'au 15, puis les autres Aït Atta ont rcu le droit d'acces. Comme dans l'ensemble du Cercle, les conditions sont favorables grâce aux pluies de l'Atlas. Une crue du Ghéris à coïncidé avec la crue du Mayder, la plaine de Remlia s'est trouvée inondée mais n'a pas été mise en culture en dépit des appels du Bureau.

    1.1 - 20.11938: De fones gelées ont décimé 10% du petit bétail et la plupart des chamelons qui venaient d'etre mis bas. Grêle au mayder ait Khebbach.

    21.1- 8.2 1938: Nouvelles gelées le 5 et les jours suivants; les deux tiers des cultures du mayder sont gelées au ras des racines. Dans des conditions aussi aléatoires, ne faudrait-il pas penser aux ressources minieres de ce pays?

    28.5 - 10.6 1938: Récoltes terminées. Au mayder, l'essai du Bureau est déficitaire, rendement 0,5. Cependant les travaux effectues ont permis aux adventices d'etre abondantes et de nourrir pendant un mois des milliers d'animaux.

    Laissons l'erreur factuelle, l'incompréhension, l'apprentissage. Ces dix-huit mois ressassent une double obsession du tuteur: restreindre l'amplitude et la fréquence des déplacements extemes, multiplier les ressources locales ou tenter d'en intensifier l'exploitation. Jusqu' aujourd'hui, le pouvoir d' État ayant partout survécu au renvoi de son fourrier, ces tendances ont continué de prévaloir, la premiere comme inscrite dans le cours des choses, la seconde ravivée par l'indépendance nationale. Avec le systeme de valeurs, la morphologie sociale et quelques solidarités s'en sont trouvé changées. Il importe donc de montrer les principes a l'oeuvre.

    Le resserrement des horizons d'abord. Vers 1900, un caravanier des llhayan exhibait un permis de circuler obtenu à Tombouctou : quarante ans plus tard, ses moutons et ceux d'autres ressortissants de Taouz sont interdits de pature dans le territoire de Rissani. Or ce Bureau, j'ai eu l'occasion de le dire, s'était débarrassé la saison précédente d'une quarantaine de tentes à destination des Monts d'Ougarta ou des Dwi Media. En l'occurrence un probleme s'exportait; et dans l'administration voisine encore, comme s'agissant des migrations de travail bientot durement contingentées. Alors, gestion de la pénurie? Il semble plutot que la pyramide des Affaires indigenes ait calqué ses décisions, pas seulement à l'époque du rodage, sur la vieille pratique tribale du rapport de force. A l'étage du Cercle, une quarantaine de tentes défendues par le proche Bureau d' Annexe pesent plus que huit pasteurs, même aisés - puisqu'il s'agit de moutons -, présentés par un Chef de Poste. Retenons cette inversion majeure: le mole des énergies prédatrices, l'apre foyer d'expansion, n'est qu'un cul-de-basse-fosse sous la gouverne du pacificateur. Encore la haute politique allait-elle amputer ce canton à l'ouest, puis l'écorner du bas avant que l'accélération de l'histoire y rogne carrément. L 'administration coloniale a peut-etre haï le mouvement qui dépasse les lignes, elle ne s'est pas privée de les déplacer.



    En février 1941, la stratégie du Résident Général dans la durable dispute des Confins algéro-marocains conduisit à détacher du controle de Taouz, pour la rattacher à l' Annexe du Ktawa, toute la région sise à l'ouest d'un arc Hassi Zgilma-Hassi Chaamba, la cuvette avoisinant Zegdou comprise (Trout 1969: 369-371).

    Vu de Rabat, ca n'est pas grand-chose... le Tafilalt même n'a rien d'un paradis.

    Mais sur place l'Armée comptait quatre étapes de six heures pour parcourir la ligne, la Zaouia de Sidi Lmadani tenait des mois dans la cuvette, les Affaires indigenes avaient agrandi le modeste repaire de Zegdou pour en faire un poste autour duquelle recensement de 1936 dénombra 113 personnes. La nouvelle limite eut sans tarder ses effets pervers. Des l'été 1942, Taouz s'en servit contre les Ayt Atta et sur tout les Arib du Draa (27). L 'année suivante, les Ayt Khebbach en patirent alors que la mouche debbab, monelle pour les chameaux, interdisait les puits de la Daoura (28). Ententes tribales qu'on désagrege, risques écologiques renforcés: affirmatif, le cantonnement mene le nomadisme à sa perte.

    Le son des ConfIns, c'est la montée des indépendances qui l'a scellé; autant dire que la France à baclé son devoir. Une "Guerre des sables" en résulta, qui n'a rien corrigé de la frontiere mais en aura durci i'étanchéité. Voici les faits. Le probleme de distinguer les zones de controle du Protectorat et de l'Algérie au Sahara nord-occidental s'est posé des les années vingt. De 1934 a 1953, la Résidence avait opposé aux prétentions de l'administration voisine une "limite méridionale présumée du Maroc" joignant le coin sud-est de la province de Tarfaya à l'oued Saoura, 15 kilometres en amont d'Igli. En 1953, le Résident conforma cette belle droite aux inquiétudes de l'heure: la nouvelle limite épousait le rebord de la hamada du Draa jusqu'à Zegdou, visait ensuite Cheffaya, puis grimpait les paralleles jusqu'à Hassi Sobti et Teniet Ariatine avant de rejoindre Figuig (Trout 1969: 41D-417). Vint I'indépendance; des éléments presque incontrolés de l'Armée Nationale de Libération harcelaient depuis le sud marocain les troupes francses en Algérie. La République définit alors un tracé plus septentrional, dénommé "limite opérationnelle", lequel prévaut toujours entre l'Algérie socialiste et le Royaume chérifien. Du coude du Draa à la hamada d'Erfoud, cette démarcation suit le front des Kem-Kem (Trout 1969: 419-420). La moitié du territoire de Taouz n'appatiendrait donc plus au Maroc! Dans toutes les parties du monde, les nomades savent s'arranger des frontieres, il en est même que ces pointillés enrichissent, mais à condition que la région ne soit pas l'enjeu de débats trop vifs. Ce n'est pas le cas ici. D'abord, l'Armée française à effectivement ratissé les Kem-Kem; le Mahjez comme la hamada du Guir avaient été déclarés zones interdites. Puis la poudre a parlé, en octobre 1963, entre les pays freres (29). Depuis 1975, la route Béchar.



    Tindouf, qui franchit la Daoura alentour Cheffaya, a valeur stratégique dans le conflit du Sahara. Au total, nombreux doivent etre les Ayt Khebbach qui ont désappris les parcours de l'extrême-sud. Dans les Kem-Kem cependant, en 1971, l'agent recenseur marocain a compté une cinquantaine de foyer a Tihariyin, pres du rebord, et dans Saf-Saf, a mi-pente, douze autres familles. La tribu de Taouz n'aurait donc pas totalement vidé les lieux.

    Tandis que le nomadisme, d'abord lui, subissait ces entraves, l'exploitation du sol et du sous-sol était favorisée avec l'espoir d'ainsi résoudre le probleme des ressources.

    En agriculture, on l'a vu, les Affaires indigenes ont d'abord volu suivre les gens sur

    le terrain des facons extensives; plus exactement les y dépasser en semant cinq a six fois plus dense. “Chaque chef de famille n'a jeté que cinq kilos d'orge au mayder” s'était étonné l'Officier de Taouz fin 1936. En admettant qu'a l'époque les Ayt Khebbach aient pu faire mieux, c'est que la mise, ici, s'ajuste à bien des facteurs. Les uns correspondent au partage, égalitaire jusqu'à l'exploit, d'un collectif d'extension variable selon les années; les autres à l'aléa: au mayder, la semence ou bien se perd ou bien rend cent a deux cents fois. On sême ce qu'il faut pour ne pas trop perdre, assez pour récolter beaucoup. D'un grain peuvent naitre 80, 100 tiges; puis l'épiage est excellent (30). La granulométrie tres homogene des limons serait cause de ces bons résultats, et aussi le fait qu'on ne les obtient qu'un an sur quatre, lorsque des crues de printemps ont relayé l'inondation d'octobre. Deux systemes phréatiques, l'un venu du nord, l'autre de l'ouest, s'épanouissent dans un bassin de quelque 13 000 hectares pour le noyer, les bonnes années, sous dix centimetres d'eau. Au centre, c'est le Grand Mayder, ouvert a tous les Ayt Atta.



    En 1962, 7 939 personnes - car on compte en individus présents, vieillards et bébés compris - avaient eu droit chacune à une bande d'environ trente centimetres de large sur quatre à cinq kilometres de long, perpendiculairement au sens du sous-écoulement (31). Mais depuis 1965, un conflit qui porte bien la marque des imazighen bloque les ensemencements. Plutot que de reconnaitre aux Noirs un plein droit d'acces, alors qu'ils leur font régulierement la faveur de les accepter en marge, les Ayt Atta ont préféré vouer le collectif au paturage. En 1973, les Arib du Ktawa et les Ayt Khebbach y menaient 6000 dromadaires, ceux qu'ils ne conduisent plus en basse Daoura sans doute. Au nord de la dépression, comme au sud-ouest, deux groupes bénéficient d'un collectif propre en sus de leurs droits sur la partie centrale. Au midi il s'agit des Ayt Khebbach, mais le terrain a perdu de son intérêt agricole au fur et a mesure que le flux ouest faisait l'objet, loin en amont, de ponctions plus efficaces.



    De 1918 a 1932, le Tafilalt végéta sans eaux superficielles aucunes. Pour affaiblir la dissidence retranchée à Rissani, l' Armée francise avait fait sauter le barrage détournant les crues vers la palmeraie. Par la branche naturelle de l' oued, ces eaux profiterent directement aux terrains qui s'étirent entre les dunes de l'erg Chebbi et une hernie du Ziz à hauteur de Merzouga. ]usqu'a deux cents tentes des Ayt Khebbach et des Dwi Media s'appliquerent à étendre leurs cultures. C'est à partir de cet embryon, apres la restaaration des ouvrages du Tafilalt, que le Bureau de Taouz a le mieux contribué à l'intensification du travail de la terre. De rustiques barrages orienterent les crues résiduelles de Rissani vers la dépression dont le trop-plein, les meilleures années, était canalisé a son tour jusqu'à l'éponge de l'erg; en 1943, un tel bienfait opéra six mois (32). Quatre galeries drainantes restituent à Merzouga les précieux apports, mais c'est tout le front de l'erg, sur une douzaine de kilometres, qui est favorisé. La plus forte concentration sédentaire de la circonscription de Taouz s'observe la, avec un quart de la population totale en 1971. On est venu des tentes, bien entendu, mais aussi des qsur: c'est dire l'attraction du site; des tensions naquirent à ce propos entre segments lignagers.
    Le Maroc, on le sait, a mis en oeuvre une politique des grands barrages. L 'effet

    devrait s'en faire sentir la puisqu'il a été prévu qu'une partie des lachers de l'ouvrage d'Er-Rachidia atteignent Merzuga, via des canaux modernes, pour irriguer de nouveaux périmetres. Ceux qui ont été aménagés multiplient par dix les superficies traditionnelles mais les lachers se font attendre et la nappe phréatique a baissé;

    l'Office de mise en valeur promet pourtant le double - celà ferait mille hectares.

    Une réussite plus récente est celle de Remlia, au confluent du Ghéris et du Ziz, déjà en territoire algérien s'il fallait croire les cartes (33). La ou l'Officier de Taouz, en novembre 1938, regrettait qu'on n'ait pas labouré, la Promotion Nationale a financé dans les dernieres années soixante le creusement d'un drain et l'aménagement de 250 hectares; des 1971, on dénombrait 600 sédentaires. Taouz par contre a stagné, souffrant tour a tour du manque d'eau et de l'exces des flots: les barrages rudimentaires propices a Merzouga ont ici, par deux fois, lancé la crue à l'assaut des jardins; mais il a fallu, aussi, alimenter les gens par citerne. D'autre part l'ensablement menace: la localisation n'est pas bonne, sous vent d'ouest, en queue d'un segment du lit du Ziz riche en dépots mobiles. La population que ne retient pas quelque emploi au Bureau tend à gagner des poles plus favorables.

    L 'un de ces poles, et le siege d'une expérience sociale novatrice, fut pendant plus de vingt ans, le centre minier de Mfis.

    Jadis, les céramistes de Fes s'approvisionnaient en minerai de plomb au Tafilalt. Dans le massif de Taouz, les traces de tranchées d'exploitation sont nombreuses.

    Un homme aux qualités certaines, l'ingénieur Contamine, se fit guider sur tous les affleurements, en apprécia l'intérêt, reconnut le filon prometteur qui porte son nom, puis obtint du service des Arts indigenes de Fes qu'il passe commande aux Ayt Khebbach de trois tonnes mensuelles de galene. La région n'était pas ouverte alors au régime minier normal, mais réservée a l'État: on put créer une coopérative indigene. Ainsi protégée, l'activité extractive de la tribu se vit offrir en plus une assistance technique. Avec cinquante ouvriers Contamine sortit les quatre premieres semaines de travail ce que Fes attendait en dix. Six mois plus tard, avec un effectif triple, il obtenait 160 tonnes de galene et couvrait les besoins mensuels français de vanadium, un métal utile aux aciers spéciaux. En 1951, apres que la zone de Taouz ait été rattachée au régime ordinaire, une société miniere à forte participation de l'État orienta les travaux vers la mise en exploitation industrielle.

    La conjoncture mondiale était alors favorable au plomb. Mfis s'équipa d'une centrale thermique, d'une laverie de 300 tonnes par jour et de nombreux batiments dont soixante-dix logements pour le personnel. Cet outil n'a jamais fonctionné qu'au tiers de sa capacité, les réserves de minerai s'étant révélées discontinues.

    Mais les 2700 artisans Ayt Khebbach, assistés d'autant “d'employés” Dwi Menia, qui ont livré en 1957 9 900 tonnes de concentré à 65- 70 % assuraient du coup 8 % de la production marocaine de plomb – celle-ci au 9 eme rang dans le monde.

    Même performance en 1958, mais dans les mois suivants l'exploitation industrielle fut arrêtée (Despujols / Vergerio 1958). Les logements ouvriers, qui avaient abrité 300 célibataires et 40 familles, ne compterent bientot plus que 145 habitants. Apres la décennie pionniere, correspondant à une montée en phase, et les années 1951 à 1958 qui furent de grande activité, la décennie ultérieure allait conduire au déclin.

    Non seulement les gites se sont épuisés, plus exactement des limites techniques ont été atteintes eu égard au caractere artisanal de l' extraction, mais le cours du plomb a subi de tres fortes baisses. En 1966 d'abord, puis en 1973 avec le choc

    pétrolier - et encore, aprês le niveau record de 1979, jusqu'en 1983: mais celà ne concerne pratiquement plus le Tafilalt.

    L 'activité miniere des Ayt Khebbach s'est exercée dans un cadre adapté, le tacheronnage. L 'ont ici caractérisé, d'une part des méthodes traditionnelles n'empruntant à la technique moderne que l 'usage des explosifs, voire le dénoyage des puits, d'autre part une organisation du travail laissée à la convenance des propriétaires, enfin récoulement du produit par l’intermédiaire d'une coopérative ou centrale d'achat. Dans ces conditions, l’ensemble du groupe a pu tirer profit de son soussol; il serait même arrivé qu'à l’instar des tours d'eau et des rotations de paturage, un correctif vienne compenser les caprices de la minéralisation. En tout cas les sexes partagerent le travail, puisqu'apres réprouvante extraction du minerai, réservée aux hommes, devait intervenir son enrichissement, phase à laqueulle les femmes appliquerent leurs gestes du triage, du criblage et du vannage. Sans que les rétributions aient été bien fortes, il semble que le revenu minier pouvait dépasser les rapports de l'élevage et de l’agriculture; en fait il s'y ajoutait, ce qui aurait permis de doubler le revenu moyen de quelque 20 000 habitants de Taouz et du Tafilalt (Bataillon / Verlaque 1963).

    Sans prétendre connaitre tous les faits, encore moins les avoir montrés, il s'agit à présent de dire quelles adaptations structurales ont affecté le devenir des Ayt Khebbach. J'en vois deux principales, la réorientation de l’espace vécu et une nouvelle morphologie sociale.

    D'espace concentrique, irradiant dans toutes les directions à partir du bastion des Kem-Kem, le lieu d'exercice du dynamisme des Ayt Khebbach est passé à un univers clos, presque unidirectionnel, en tout cas aspiré par un centre qui lui est extérieur: la razzia rapportait, les prestations et l’impot seront dus.

    Corrélativement, ce monde s'est rétréci. L 'expansion d'un État, l’État colonial voisin, a supplanté l’expansion tribale. Le caravanier escortait le sel, les esclaves, denrées lointaines: le berger n'oublie pas les truffes et le mineur gratte sous ses pieds.

    Enfin l’espace ouvert, homogene, a été compartimenté, différencié. Par des limites internes, certes, qui lorsqu'elles sont étanches ajoutent au rétrécissement; mais aussi parce que l’intensification des activités productives tend à spécialiser les terroirs: au mayder asséché ou conflictuel l’élevage, a Merzouga la culture, a entour Taouz le plomb.

    Au total, ce qui s'est imposé aux Ayt Khebbach avec le XXe siecle, c'est la notion de limite.

    “La zone frontiere (marche ou frange pionniere) révele une société en mouvement, plus ou moins marginale, agressive à l'endroit des etres et des choses, conquérante souvent; sur la défensive parfois. La ligne frontiere exprime la limite en deca de laquelle un Etat peut exercer souverainement la force coercitive” (Raffestin 1986 : 6).

    Soyons maintenant durkheimiens: la morphologie sociale, c'est l’étude de la forme, volume et densité, qu'affectent les sociétés en occupant leur espace.

    Il y a quelques raisons de croire que des déplacements de population plus amples que l’exil guerrier ont accompagné la soumission des gens de Taouz. Des familles méridionales avaient probablement glissé chez leurs parents lignagers du nord.

    Dans les dernieres années quarante en tout cas, tandis que les travaux miniers

    prenaient leur essor, on vit la population des qsur Ayt Khebbach du Tafilalt et du Rteb décroitre tandis que l'effectif de Taouz augmentait fortement pour l'emporter avant 1960. Sa progression ultérieure semble elle-même avoir dépassé le seul croit naturel. Si des analyses plus détaillées pouvaient confirmer ces observations - mais lesquelles? - ou si la tendance s'est maintenue, celà montrerait que la perception du berceau d'origine retient moins son rétrécissement que les quelques progres de la mise en valeur. Penserait-on moins en nomade?

    Qu'en est-il de la sédentarisation justement, ou plutot: des effectifs nomades?

    Je ne peux pas accepter, parce que trop fort, le résultat de l' enquête F.A. 0. repris par Joly (1951 : 149), ni d'ailleurs le renversement qu'il opere entre irjdaln et ayt amer. Je récuse aussi les propos de Verlaque: dire que “70% des gens sont fiXés au ksar de Taouz” (Bataillon / Verlaque 1963: 157), suffit à disqualifier, sur cette question du moins, sa lecture ou la source. Selon moi, avec 430 tentes, les effectifs du nomadisme sont stables en valeur absolue, dans la circonscription de Taouz, depuis pres d'un demi-siecle. En valeur relative, cela ne représente plus que 39 % de la population apres avoir compté pour la quasi totalité. Des effectifs qui auront fondu davantage, récemment, ce sont ceux de Rissani: 136 tentes en 1952; au demeurant, les Ayt Bourk qui pesaient la pour cinq sixieme ont tendu à séparer leur sort de celui des Ayt Khebbach.

    Cette derniere remarque introduit à mes yeux une vraie question. Qu'en est-il de l'esprit de corps, de la qualification par les origines et l'histoire, de l'identité même,

    a l'heure ou l'allogene naguere désireux d'insertion devient un client qui s'émancipe? Comme à l'appréhension des glissements du systeme de valeurs, il y faudrait une enquête subtile, durable, parlente, a laquelle ces pages n'auront jamais fait qu'introduire. Ce qui est clair, c'est que le sort des derniers insoumis de l'histoire marocaine ne dépendra plus jamais de leurs seules capacités d'organisation.

    Par deux fois déjà, au lendemain de l'occupauon coloniale puis apres vingt ans de grattage du plomb, il a fallu leur fournir une assistance alimentaire. Et cependant, comment croire qu'avaient abdiqué leur fierté, que désespéraient de leurs forces, les compagnons qui m'ont inlassablement entretenu des exploits de la tribu tandis que nous nous réchauffions, dos au mu, calfeutrés dans nos tissus de laine, les lumineuses matinées d'hiver? Pour ma part, je ne peux pas m'en tenir à l'image cruene redoublée d'un calembour sur le nom, que me proposa cet officiel : «Les Ayt Khebbach... ils sont bien calmes maintenant: la mine leur a rogné les ongles!

    a comprendre “Gens-de-griffe”, le grattage leur a mis des gants de plomb!
    ABRÉVIATIONS

    ADAI : Archives de la Direction des Affaires Indigenes de la Résidence Générale de la République française au Maroc (Archives du Ministere des Affaires Etrangeres, Paris/Nantes).

    AGGA: Archives du Gouvernement Général de l'Algérie (Archives d'Outre-Mer, Aix-en- Provence).

    AMG: Archives du Ministere de la Guerre (service historique de l'Armée, Vincennes).

      الوقت/التاريخ الآن هو الإثنين 20 مايو 2024, 02:05